Rana Plaza bientôt 10 ans… n’oublions pas !
L’ASSECO-CFDT OC PYREMED, membre du Collectif Ethique sur l’Etiquette s’étonne la lecture de la cour d’appel de Douai et regrette ses conclusions.
Nous vous invitons à prendre connaissance du communiqué de presse qui retrace les tenants et aboutissants de ce drame. Nous ne manquerons pas de vous tenir informé de la décision des parties prenantes sur un éventuel pourvoi en cassation.
Affaire Auchan et fairwashing : confirmation de non-lieu pour la multinationale
Communiqué de presse – 16 décembre 2022
Paris, le 16 décembre 2022, les juges de la Cour d’appel de Douai viennent de confirmer l’ordonnance de non-lieu rendue en faveur d’Auchan : il n’y a selon eux pas lieu de poursuivre pénalement la multinationale, contre laquelle Sherpa, ActionAid et le Collectif Ethique sur l’étiquette avaient déposé plainte pour pratiques commerciales trompeuses à l’issue de l’effondrement du Rana Plaza survenu en 2013.
Lors de l’effondrement de l’immeuble à Dacca au Bangladesh, qui a causé la mort de plus de 1100 ouvrièr.e.s du textile, des étiquettes In Extenso, marque de distributeur d’Auchan, était retrouvée dans les décombres. Pourtant, dans ses déclarations publiques, l’entreprise se targuait de faire respecter les droits des travailleurs et travailleuses sur l’intégralité de sa chaîne de valeur.
Au vu du fossé entre ses déclarations et la réalité des conditions de travail des ouvrièr.e.s, Sherpa, ActionAid et le Collectif Ethique sur l’étiquette avaient déposé plainte contre Auchan le 23 mars 2014 pour pratiques commerciales trompeuses, considérant que l’enseigne usait d’une stratégie commerciale relevant du blanchiment d’image (fairwashing). A l’issue de son classement sans suite, les ONG s’étaient constituées parties civiles le 11 juin 2015, afin de permettre l’ouverture d’une instruction judiciaire.
Après une demande de coopération judiciaire internationale infructueuse, et en dépit des éléments complémentaires récoltés sur le terrain quant aux conditions de travail chez plusieurs sous-traitants d’Auchan au Bangladesh, le juge d’instruction avait prononcé un non-lieu en faveur d’Auchan le 27 avril 2022. Les déclarations d’Auchan selon lesquelles l’entreprise indiquait avoir eu recours à des audits et demandé à ses fournisseurs qu’ils s’engagent à respecter son code de conduite avaient convaincu le juge que l’intention de tromper n’était pas prouvée.
La simple annonce de telles mesures est insuffisante pour considérer qu’une entreprise a pris les mesures nécessaires pour garantir l’absence de violations des droits humains au travail et n’a pas commis de pratiques commerciales trompeuses. La conduite d’audits sociaux, à supposer qu’elle ait effectivement lieu, ne garantit ni la détection des atteintes aux droits humains ni la mise en œuvre de mesures correctives, et la signature d’un code de conduite ne garantit en rien la prise de sanction en cas de violation du code. Précisément, dans cette affaire, selon les ONG, les mesures correctives et de sanction qui auraient pu être prises par Auchan ne l’ont pas été.
Les juges d’appel viennent de confirmer l’ordonnance de non-lieu, sans que la motivation de cette décision soit pour le moment connue. Les ONGs vont étudier l’opportunité d’un pourvoi en Cassation.
Pour Laura Bourgeois, chargée de Contentieux et de plaidoyer à Sherpa : « L’ordonnance de non-lieu reflétait elle-même la culture RSE des entreprises et l’influence démesurée et injustifiée de leurs “engagements” non contraignants, qui ne présentent aucune garantie. Le juge a relevé que des audits avaient été effectués et des dispositions contractuelles prévues sans vérifier l’application effective et efficace de ces mesures. Cette décision de confirmation renforce notre constat : il est temps d’arrêter de s’en tenir à la parole des entreprises, et il est nécessaire de pouvoir sanctionner juridiquement le blanchiment d’image. »
Pour Nayla Ajaltouni, déléguée générale du Collectif Ethique sur l’étiquette : « Cette décision illustre l’impunité dont continuent de bénéficier les sociétés transnationales, qui peuvent encore se cacher derrière des mesures cosmétiques ou des engagements sans contrainte pour ne pas avoir à rendre des comptes sur l’impact de leurs pratiques sur les droits fondamentaux. Il est temps de créer les outils juridiques permettant de briser cette impunité. »
Pour Mehdi Achour, directeur d’Action Aid France : « Il est établi depuis longtemps que ce que les entreprises présentent comme des engagements volontaires de RSE ne présentent strictement aucune garantie en matière de droits humains. Par exemple l’Accord international pour la santé et la sécurité dans l’industrie textile : il a suffi à Auchan de ne pas le renouveler pour échapper à toute obligation contractuelle, car le renouvellement dépend entièrement de sa volonté. Maintenant, il faut tirer les conséquences logiques de ce constat : les entreprises qui prétendent garantir une certaine éthique mais ne prennent pas de réelles mesures efficaces pour le faire doivent pouvoir être sanctionnées en justice. »